<< Retour aux articles
Image

Secret de l’enquête et de l’instruction : réforme en vue mais sans agenda

Pénal - Procédure pénale, Informations professionnelles
24/02/2020
Un député a demandé à la garde des Sceaux de préciser ses intentions au sujet d’une éventuelle réforme du secret de l’enquête de l’instruction.
Le secret de l’enquête et de l’instruction existe, pour autant « nous assistons, tous les jours, à la violation flagrante de ce principe qui perd, peu à peu et à cause d’une forme d’abandon collectif, sa consistance » constate Didier Paris, co-auteur d’un rapport sur le sujet avec Xavier Breton publié en décembre 2019. Dix-neuf recommandations étaient proposées pour le réformer (v. Didier Paris, député, rapporteur de la mission sur le secret de l’enquête et de l’instruction : « Toutes les informations devraient être communicables, à la réserve expresse qu’elles ne dépassent pas la ligne rouge », Actualités du droit, 17 déc. 2019).  
 
Pour rappel, le secret de l’enquête et de l’instruction est encadré par l’article 11 du Code de procédure pénale. Il prévoit que « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal » (articles prévoyant le délit de violation du secret professionnel).
 
La pratique s’éloignant de plus en plus du principe du secret, une loi de 2000 (L. n° 2000-516, 15 juin 2000) est venue ajouter l’alinéa suivant : « Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ».
 
Ainsi, seuls les enquêteurs et les magistrats du siège y sont tenus. Tous les autres acteurs de la « chaîne pénale » en sont exonérés : les personnes gardées-à-vue, celles mises en examen, les témoins, etc. Quant au procureur de la République il peut donc, par exception, communiquer de manière objective sur une enquête en cours.
 
Pour autant, il est important aujourd’hui de rééquilibrer la situation actuelle. « Le chemin est étroit entre la nécessité absolue de préserver la liberté de la presse et celle, tout aussi absolue, de garantir les libertés individuelles et la bonne marche des enquêtes » rappelle le député Didier Paris qui souhaitait sonder la ministre de la Justice sur sa volonté ou non de modifier l’état actuel du droit.  
 
La garde des Sceaux rappelle que le secret de l’enquête et de l’instruction est un « principe cardinal de notre procédure pénale, pour trois raisons » qui sont :
  • la protection de la vie privée et le respect de la présomption d’innocence ;
  • la protection des personnes concourant à la procédure contre une éventuelle pression ;
  • et la garantie de l’efficacité des investigations.
Néanmoins, ce principe doit s’articuler avec le droit à l’information. Ainsi, la ministre confirme que « le Gouvernement souhaite avancer sur vos propositions ». Trois moyens d’action :
  • une meilleure définition du cadre du secret de l’enquête et de l’instruction au regard du droit à l’information ;
  • le renforcement des sanctions en cas de violation ;
  • la clarification des conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire est susceptible de communiquer les enquêtes en cours.
Et conclut en assurant que « ce travail devra connaître des traductions législatives ». Sur le principe, la volonté du gouvernement est donc plus claire. Mais quant au calendrier, chacun appréciera le léger vague dans la formulation choisie…
Source : Actualités du droit