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Appréciation de l’intérêt à agir d’une association culturelle par les juges

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
04/12/2019
L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé à agir.
L'article 31 du Code de procédure civile définit l'une des conditions de recevabilité substantielle de l'action en justice. Pour que l'action soit recevable, la personne qui souhaite l'exercer doit avoir un intérêt à agir (« pas d'intérêt, pas d'action »). 

Faits. Une artiste-peintre, décédée en 1937, laisse pour lui succéder son neveu, lui-même décédé en 1995 sans héritier ou légataire. L’association ayant pour objet de développer la notoriété de l’artiste, créée en 2014, et sa présidente, soutiennent qu’une tierce personne détient frauduleusement des œuvres de l’artiste et qu’elles sont dans l’impossibilité d’organiser des expositions. Elles invoquent le trouble manifestement illicite en résultant et sollicitent la remise à la commune de S. ou à l’État, les œuvres en sa possession.

Les demandes de l’association sont déclarées irrecevables par le juge des référés qui retient qu'elle n'est pas titulaire du droit de divulgation des oeuvres et qu'elle n'a donc aucune qualité pour agir en défense du droit moral du peintre, les droits patrimoniaux étant éteints depuis 2008. Ses demandes sont également rejetées par la cour d’appel qui considère que les pièces produites sont insuffisantes pour établir la volonté prétendument expressément manifestée par l’artiste de transmettre ses œuvres au public, dont la preuve doit être préalablement rapportée. Se pourvoyant en cassation, l’association invoque l’argument selon lequel son action ne tendait pas à l’exercice d’un droit dont elle prétendrait être titulaire sur les biens, mais à la protection des intérêts du public, lesquels sont indépendants de toute prérogative sur les œuvres.

Solution. L’arrêt est cassé. Au visa des articles 31 du Code de procédure civile et L. 121-3 du Code de la propriété intellectuelle, la Haute juridiction rappelle qu’aux termes du premier de ces textes, « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

La cour d’appel a violé les textes précités car l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé à agir. Peu importait la volonté ou non de l’artiste de transmettre la propriété de ses œuvres.

Rappelons que l'intérêt à exercer une action est souverainement apprécié par les juges du fond (Cass. 1re civ., 31 janv. 1990, n° 88-16.497, Bull. civ. I, n° 301 ; Cass. 1re civ., 7 janv. 1992, n° 90-10.192, Bull. civ. I, n° 1). Il doit répondre à certaines conditions. La Cour de cassation avait déjà jugé en ce sens (Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 12-27.246, RJPF 2014-6/33, p. 45, analyse Mauclair S).

POUR EN SAVOIR PLUS, v. Le Code de procédure civile commenté, art. 31 et Le Lamy droit du contrat, n° 1411.
Source : Actualités du droit