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Ce qu’il faut retenir du projet de Code de justice pénale des mineurs

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal général
05/07/2019
Nicole Belloubet l’avait annoncé, l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante va être réformée. Peu de temps après, le projet de Code de justice pénale des mineurs a été dévoilé. Attendu par les professionnels, ils estiment aujourd’hui qu’une occasion a été manquée.
Le gouvernement a dévoilé le 13 juin 2019, les grands axes de sa réforme relative à la justice des mineurs. Le constat est clair : « nous devons répondre à la délinquance des mineurs de manière plus adaptée et plus rapide » déclarait Nicole Belloubet dans une interview à La Croix. Aujourd’hui, le droit applicable aux mineurs est particulièrement complexe, moins favorable et parfois non adapté à la société. Et les nombreux renvois aux codes pénal et de procédure pénale rendent le droit complexe.
 
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en 74 ans, l’ordonnance de 1945 a été modifiée trente-neuf fois, selon le rapport d’information présenté par M.  Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier, députés. « Au fil de réformes successives, l’ordonnance de 1945 s’est beaucoup éloignée de son état d’esprit initial et on a perdu de vue ce climat éducatif », a souligné Sophie Legrand, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature lors d’une conférence de presse organisée par un collectif intersyndical le 25 juin 2019 (créé en avril dernier, ce collectif a rédigé un texte commun contenant 49 propositions).
 
Le rapport d’information explique que « cette réforme porterait tant sur l’organisation formelle, via la codification, que sur le fond des dispositions applicables aux mineurs et aux juridictions spécialisées qui les traitent ». Concrètement, ce projet de Code de justice pénale des mineurs, dévoilé par Dalloz, comporte 259 articles, partagés en sept livres.
 
Les professionnels s’étonnent de ne pas découvrir un projet de code complet de la justice pénale des mineurs. Comme le précise le Syndicat de la magistrature, « de multiples renvois sont encore faits au code pénal et au code de procédure pénale, dont l'intégralité des dispositions deviennent d'ailleurs applicables aux mineurs sauf prévision contraire, ce qui n'en fait pas réellement un code autonome et spécifique » (Observations du Syndicat de la magistrature sur l’avant-projet de réforme de la justice pénale des mineurs).
 
Parmi les grandes nouveautés du projet : une présomption d’irresponsabilité, « la mesure éducative judiciaire » et la « mise à l’épreuve éducative ». La réforme de la justice pénale des mineurs prévoit notamment une procédure en deux temps :
  • un jugement sur la culpabilité ;
  • et un jugement sur la sanction ;
  • avec une mesure éducative entre les deux.
Rappelons que la procédure actuelle comporte déjà deux audiences, celle de la mise en examen et celle du jugement.
 
Autre caractéristique de ce projet : la nouvelle procédure prévue dans le projet de Code est encadrée par des délais stricts :
- convocation pour la première audience dans un délai compris entre dix jours et trois mois ;
- la deuxième audience, qui doit avoir lieu dans les six mois suivants.
 
Béatrice Voss (avocate en droit de la famille et présidente de la Commission libertés et droits de l’Homme au Conseil National des Barreaux) a précisément dénoncé au cours de la conférence de presse ces délais, estimant que « cette accélération rendrait incompatible la priorité de l’éducatif et atteindrait les droits de la défense ».
 
De son côté, le gouvernement pense l’esprit de cette réforme selon celui de l’ordonnance du 2 février 1945 : Quand les professionnels estiment eux, qu’il s’en éloigne.
 
Associations et syndicats contestent tant le fond du projet que la forme : une réforme par voie d’ordonnance, « cela limite énormément la concertation au niveau de la société civile et des professionnels », a ainsi déclaré Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme. La ministre de la Justice s’en défend : « j’ai choisi la voie de l’ordonnance pour sortir de l’impasse que nous connaissons depuis 10 ans, mais je souhaite aussi que le parlement soit respecté et puisse débattre totalement de ce sujet fondamental » (Interview donnée à la Gazette du Palais, le 18 juin 2019).
 
Adressé à la commission supérieure de codification, le projet devrait être déposé au Conseil d’État en juillet et présenté autour du 15 septembre en conseil des ministres (l’article 93 de la loi de programmation pour la justice impose un délai de six mois pour le passage en conseil des ministres, soit au plus tard le 23 septembre prochain). La réforme devrait entrer en vigueur dans le délai d’un an après son adoption pour maintenir le débat parlementaire (Assemblée nationale, compte rendu, 23 nov. 2018).
 
Autre précision mise en avant par Pierre Lecorcher, de la CGT PJJ, au cours de la conférence de presse du collectif intersyndical, le renvoi à de nombreux décret d’application : « la garde des Sceaux a expliqué que toute une série de décrets suivrait et ils pourront être aussi inquiétants au regard de la teneur de ce projet de réforme ».

 
Source : Actualités du droit