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Validité de l’irrecevabilité d'une citation directe après le prononcé d’une ordonnance de non-lieu

Pénal - Procédure pénale
09/08/2018
Dans un arrêt du 12 juillet 2018, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), affirme que l’irrecevabilité d'une citation directe après une ordonnance de non-lieu n’est pas contraire à l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) garantissant le droit d’accès à un tribunal.
En l’espèce, après le décès accidentel de son époux, ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), lors d’une explosion en 1994, la requérante s’était constituée partie civile au procès. En 2005, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu pour faute de charges suffisantes, contre laquelle aucune partie n’a interjeté appel. En 2006, la requérante a fait citer directement le CEA devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Les juridictions françaises ont déclaré cette citation directe irrecevable (voir Cass. crim., 11 oct. 2011, n° 09-87.926).

La requérante se plaint devant la Cour européenne de n’avoir pas pu saisir le juge pénal par voie de citation directe et exposer sa cause devant un tribunal après le prononcé de l’ordonnance de non-lieu. Elle invoquait ainsi une violation du droit à un procès équitable, et plus précisément du droit d’accéder à un tribunal (CESDH, art. 6 § 1).

Pour juger la citation irrecevable, la Cour de cassation française avait opposé à la requérante l’autorité de la chose jugée. Elle affirmait qu’en l’absence d’appel de la requérante contre l’ordonnance de non-lieu, cette dernière était devenue définitive, rendant irrecevable la demande de citation directe.

Une jurisprudence française hésitante

Dans sa décision, la CEDH confirme le raisonnement de la Haute juridiction française, selon lequel la requérante devait s’attendre à se voir opposer l’irrecevabilité de la citation directe, dans la mesure où elle s’était volontairement abstenue de faire appel de l’ordonnance de non-lieu. La Cour européenne considère qu’à la date de l’ordonnance de non-lieu, l’état du droit français sur les modalités d’exercice d’une citation directe par la partie civile en cas d’information préalable était incertain, en raison d’une jurisprudence évoluant selon deux tendances différentes. Dans ces circonstances, la requérante a pris un risque délibéré en ne faisant pas appel de cette ordonnance, alors qu’elle disposait d’une voie de recours et donc d’un accès à un tribunal.

La requérante invoquait quant à elle une méconnaissance du principe de sécurité juridique, découlant du fait que l’arrêt rendu en 2011 à son encontre constituait un revirement imprévisible de la jurisprudence de la Cour de cassation dans ce domaine. Sur ce point, la CEDH retient que ce revirement de jurisprudence n’était pas imprévisible, car la cour avait fixé dans un arrêt de 2008 (Cass. crim., 2 déc. 2008, n° 08-80.066) sa jurisprudence dans un sens d’élargissement des bénéficiaires du non-lieu, rendant le contrôle de la liberté d’agir de la partie civile plus étroit. Le principe de sécurité juridique a donc bien été respecté.

La CEDH conclut que la motivation de la décision de la Cour de cassation dans son arrêt du 11 octobre 2011 répond aux exigences de l’article 6 § 1 de la convention ; l'atteinte au droit d’accéder à un tribunal de la requérante n'est pas caractérisée.
Source : Actualités du droit