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CEDH : incidence des déclarations d'un membre du jury sur la présomption d'innocence et l'impartialité du tribunal

Pénal - Procédure pénale
07/02/2017
Si les propos tenus par un membre du jury reflètent effectivement une perception négative de la cause de l'accusé, à la lecture de l'entretien dans son ensemble, il ne peut pas en être déduit que le membre du jury en question aurait débuté le procès avec l'idée préconçue de la culpabilité de la personne poursuivie plutôt que de s'être forgé cette conviction au cours des débats. Aussi, le principe de la présomption d'innocence exige, entre autres, qu'en remplissant leurs fonctions, les membres du tribunal ne partent pas de l'idée préconçue que le prévenu a commis l'acte incriminé, la charge de la preuve pesant sur l'accusation et le doute profitant à l'accusé. Tels sont les enseignements d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) rendu le 26 janvier 2017.
 
En l'espèce, par un arrêt du 20 décembre 2012, la cour d'assises de la province de Liège déclara M. B. coupable de meurtre avec préméditation de C. K., la fille de sa compagne. Le même jour, M. B. fut condamné à la réclusion à perpétuité pour assassinat, peine assortie d'une mise à disposition du tribunal d'application des peines de 15 ans à l'issue de l'expiration de la peine principale effective. Le 22 décembre 2012, le quotidien régional L. publia un entretien réalisé avec un membre du jury ayant condamné le requérant. A la question de savoir ce qui avait été pour elle le plus difficile dans le procès, ce membre anonymisé du jury déclara : "c'était de ne pas pouvoir montrer mes sentiments, mes émotions. C'est interdit aux jurés [...], B., j'avais envie de le boxer quand il parlait".

M. B. se pourvut en cassation, affirmant que le membre du jury cité par la presse avait fait preuve d'une partialité subjective et violé sa présomption d'innocence. La Cour de cassation rejeta les pourvois au motif que ces affirmations attribuées à un membre du jury ne ressortaient pas des pièces de la procédure. Le 23 juin 2014, M. B. porta plainte contre X pour violation du secret professionnel. Un jugement rendu le 1er mars 2016 acquitta C. L., jugeant que si cette dernière présentait effectivement des points communs avec le profil qui pouvait se dégager à la lecture de l'article de presse en question, il n'existait cependant aucun élément objectif permettant de l'identifier comme étant l'auteur des propos incriminés. M. B. interjeta appel sans succès.

Invoquant l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable) et l'article 6 § 2 (présomption d'innocence), M. B. s'est plaint, devant la CEDH, de ce que l'accusation pénale dirigée contre lui avait été examinée par un tribunal dépourvu d'impartialité et sans que soit respectée sa présomption d'innocence. Enonçant les principes susvisés, la CEDH rejette sa requête, estimant que les craintes de M. B. quant à l'impartialité de la cour d'assises ne sont pas objectivement justifiées.

Par Aziber Seïd Algadi
 
Source : Actualités du droit