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Litispendance internationale et reconnaissance de la compétence d’une juridiction religieuse

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
25/01/2017
Par un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de cassation reconnaît la prévalence de la compétence de la juridiction religieuse étrangère saisie, en premier, d’une demande de divorce, sur celle des juridictions françaises.
Des époux, tous deux de nationalité libanaise et de confession chiite, se sont mariés au Liban le 8 décembre 1988. La juridiction libanaise religieuse est saisie le 30 juin 2010 par l’épouse, qui dépose également, le 23 mars 2011, une requête en divorce devant le juge aux affaires familiale. Lors de la conciliation, l’époux soulève une exception de litispendance internationale au profit de la juridiction libanaise religieuse.

Le juge conciliateur rejette l’exception de litispendance. Le 27 novembre 2014, la Cour d’appel de Paris confirme cette décision, en retenant qu'il n'existe pas au Liban de juridiction civile statuant en matière de divorce, la compétence des juridictions étant déterminée par l’appartenance du justiciable à une communauté confessionnelle. Les époux étant de religion chiite, leur contentieux relève de la compétence d’une instance religieuse – le conseil islamique chiite -, dont les décisions ne peuvent être reconnues en France. L’époux forme un pourvoi en cassation.

Se rangeant aux arguments invoqués au soutien du pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation invalide le raisonnement des juges du fond. Elle estime en effet « qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les époux étaient de statut personnel musulman chiite et que leur divorce relevait de la juridiction de l'autorité religieuse, et alors que le litige se rattachait au juge libanais premier saisi, la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif impropre à établir que la décision à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France, a violé les texte et principes susvisés [CPC, art. 100, ensemble les principes régissant la litispendance internationale] ».

Par la présente décision, la Cour de cassation complète ainsi le régime de la litispendance internationale, en établissant que la nature religieuse de la juridiction n’est pas, en elle-même, un obstacle à la reconnaissance de ses décisions en France, sous réserve, notamment, de ne pas remettre en cause l'ordre public français.

Il est en effet exact, en application de l'article 100 du Code de procédure civile, que doit être accueillie, l'exception de litispendance en raison d'une instance engagée devant un tribunal étranger également compétent et saisi en premier. Par exemple, après avoir exactement énoncé que les juridictions algériennes étaient internationalement compétentes pour statuer sur le divorce de deux époux de nationalité algérienne et domiciliés en Algérie, les juges du fond ont pu retenir l'état de litispendance internationale imposant le dessaisissement de la juridiction française saisie par l'épouse en constatant que le mari avait antérieurement engagé l'instance en divorce devant la juridiction algérienne, dont la décision était susceptible d'être reconnue en France (Cass. 1re civ., 17 juin 1997, n° 95-17.031, Bull. civ. I, n° 200).

Mais ceci ne vaut pas si la décision à intervenir n'est pas susceptible d'être reconnue en France. Tel sera le cas par exemple de la décision rendue dans le cadre d’une procédure de répudiation unilatérale intentée au Liban par le mari, au cours de laquelle l'épouse n'avait disposé que d'un délai de quinze jours entre la requête et la première audience, alors qu'elle résidait en France. La décision à intervenir, heurtant les principes d'égalité entre époux et de respect des droits de la défense, n’était pas susceptible d’être reconnue en France, de sorte que l'exception de litispendance internationale devait être écartée (Cass. 1re civ., 23 févr. 2011, n° 10-14.101, Bull. civ. I, n° 33).


Sur la litispendance, voir Le Lamy Code de procédure civile commenté, Commentaire sous CPC, art. 100.
 
Source : Actualités du droit